PRESENTATION DE L'ARTISTE
Grégoire Vorpe : Une empreinte à l’ère numérique
Un besoin de créer dans un monde en perpétuel mouvement
Né à la Chaux-de-Fonds et basé à Lausanne, en Suisse, Greg Vorpe est un artiste visuel dont le parcours créatif suit une trajectoire peu conventionnelle. Sa carrière a débuté dans les Ressources Humaines et s’est poursuivie dans les Opérations, domaines réputés pour leur structure, leur logique et la gestion des personnes. Mais avec le temps, le rythme mécanique de ces fonctions a laissé Vorpe en quête de quelque chose de plus tangible et durable—un équilibre face à la cadence de sa vie professionnelle. Ce besoin s’est transformé en un désir de créer des œuvres non seulement visuellement fortes, mais aussi profondément réfléchies. L’art est devenu sa manière de ralentir le temps, de travailler délibérément avec ses mains dans un monde de plus en plus façonné par les écrans et l’automatisation.
Cette double vie—entre art et activités opérationnelles—est plus qu’un simple arrangement pratique ; c’est une véritable symbiose. Cette dualité ne dilue pas son processus créatif, elle l’enrichit. Elle lui permet de puiser son inspiration dans la résolution structurée de problèmes tout en lui offrant la liberté de briser les normes à travers l’expression visuelle. La frontière floue entre ses expériences personnelles et professionnelles nourrit son travail d’exploration et d’invention. Elle donne à son art une honnêteté, un ancrage et une pertinence qui infusent chaque pièce de la tension silencieuse d’une vie vécue entre deux mondes apparemment opposés.
Son voyage artistique commence par les mots. En 2010, Vorpe publie Faits D’Hiver, un roman de 200 pages écrit sur cinq ans de manière fragmentée. Ce livre pose les bases de sa discipline créative : morcelée mais persistante, pleine d’humour et de profondeur. En 2018, alors qu’il sent la fin d’un chapitre professionnel, il échange le stylo contre le pinceau. Ce qui commence comme une simple expérimentation devient rapidement une véritable pratique artistique. Les expositions s’enchaînent, renforçant sa confiance et affinant son langage visuel. Créer devient non seulement un exutoire, mais une transformation nécessaire.
Grégoire Vorpe : Créer la réflexion par la répétition
Le style distinctif de Vorpe se situe à l’intersection de la pixellisation moderne et de la structure classique de la mosaïque. Ses œuvres sont construites par répétition et densité, souvent composées de milliers de marques ou d’éléments minuscules qui forment une image plus vaste. Cette technique de superposition est autant esthétique que conceptuelle : le fait de répéter, de construire lentement et délibérément devient une forme de méditation—une réponse à la production de masse, à la surcharge numérique et aux implications émotionnelles de vivre dans une société saturée de données.
Ses œuvres traitent de thématiques urgentes et contemporaines : fragilité écologique, désintégration du contrat social, équilibre délicat des systèmes modernes. Plutôt que de présenter ces sujets de manière frontale, il les filtre à travers un langage artistique qui éveille la curiosité avant la confrontation. Il pose des questions plutôt que d’imposer des réponses, permettant une interaction plus libre avec des sujets difficiles.
Une œuvre emblématique de cette approche est J’accepte, une pièce à grande échelle reproduisant les conditions générales de l’iPhone—environ 31 000 caractères—tamponnés à la main à l’encre de Chine. Au centre, un vide révèle la phrase « J’accepte », capturant la passivité du consentement numérique. Première œuvre de Vorpe, elle marque le tournant où l’art devient un engagement sérieux. Exposée à Rome et Miami, désormais dans une collection privée, J’accepte reste une pièce maîtresse de son portfolio.
Entre répétition et improvisation
Le domicile de Vorpe est à la fois atelier, galerie et sanctuaire. Cet espace intégré soutient son rythme artistique fondé sur des techniques qui nécessitent des périodes prolongées de répétition. Plutôt qu’un travail ininterrompu, il préfère un flux fragmenté—idéal pour le tamponnage manuel ou la peinture en couches. La proximité entre la vie et le travail permet un processus organique où l’inspiration peut être saisie immédiatement.
Les distractions y sont inévitables, mais Vorpe les considère comme des déclencheurs d’idées. Un objet laissé sur une table, une conversation entendue par hasard deviennent des éléments sensoriels qui se retrouvent dans ses créations. Son processus est donc à la fois méthodique et improvisé—un reflet des sujets complexes qu’il aborde.
Au fil des ans, il a exploré cinq techniques principales : tamponnage à l’encre de Chine, peinture acrylique avec ruban adhésif, granulés de plastique, collage de papier, et marqueterie. Il se concentre aujourd’hui surtout sur le tamponnage et l’acrylique, mais reste ouvert à d’autres matériaux, avec un fort souci écologique : il privilégie les matériaux de récupération et les pratiques à faible impact. Un exemple marquant est une lampe en forme de requin créée à partir de carton d’emballage.
« L’art s’est imposé naturellement comme un moyen de travailler avec mes mains, de changer de rythme et, surtout, de laisser une trace. »
Obsession, authenticité, et fresques à venir
L’influence principale de Vorpe n’est pas un artiste, mais une philosophie : l’Art Brut. Ce mouvement, basé sur l’expression brute et spontanée, le touche profondément. Il y retrouve l’obsession de la répétition, l’accumulation, et la construction image par image. Cette approche lui permet de rester connecté à l’essence émotionnelle de sa pratique.
Chaque œuvre n’est jamais purement décorative. C’est le fruit d’une introspection et d’un engagement quasi rituel avec les matériaux. Chaque tampon répété, chaque bande appliquée, chaque pigment posé avec soin a du sens. C’est cette attention au geste, cette intensité silencieuse, qui confèrent à ses œuvres une authenticité incontestable.
Pour l’avenir, Vorpe envisage de se tourner vers des projets à grande échelle, notamment des fresques murales en intérieur. Ces œuvres représenteraient une évolution importante de sa pratique : amplifier ses techniques tout en s’adaptant à l’espace. Ce défi l’enthousiasme autant sur le plan artistique que conceptuel, lui permettant de repousser ses limites et d’explorer une nouvelle relation entre la surface, le spectateur et l’idée.